1. L'épigénétique, une mémoire au-delà de l'ADN
L'épigénétique est la science qui étudie les modifications héréditaires de l'expression des gènes sans modification de la séquence d'ADN. Ces modifications sont souvent causées par des facteurs environnementaux comme le stress, la nutrition, les toxines ou les traumatismes psychologiques. Le mécanisme le plus connu est la méthylation de l'ADN, qui agit comme un interrupteur régulant l'activité des gènes.
Ainsi, un gène lié à la réponse au stress peut être activé ou désactivé en fonction des événements de vie. Et ces modifications peuvent être transmises de manière héréditaire.
2. La transmission des traumatismes : une réalité scientifique
De nombreuses études mettent en évidence la transmission intergénérationnelle de traumatismes. Par exemple, l'équipe du Dr Rachel Yehuda a démontré que les enfants de survivants de la Shoah présentent des modifications épigénétiques similaires à celles de leurs parents, notamment sur le gène NR3C1 impliqué dans la gestion du stress (Yehuda et al., 2016).
Une autre étude marquante de l’Université de Floride, publiée en 2025 (
Scientific Reports), a analysé l’ADN de familles syriennes victimes de guerre. Les chercheurs ont identifié des altérations sur 21 sites de méthylation de l’ADN chez les mères traumatisées et leurs enfants. Fait troublant : ces marques étaient aussi visibles sur la troisième génération, chez les petits-enfants.
3. On peut naître dépressif sans l’avoir choisi
La dépression est souvent perçue comme un déséquilibre chimique ou le fruit de conditions de vie difficiles. Mais l'épigénétique ajoute une dimension supplémentaire. Des enfants peuvent naître avec une plus grande sensibilité au stress, non pas parce qu'ils ont subi un traumatisme, mais parce que leurs ancêtres en ont vécu un.
Des recherches publiées dans
Nature Neuroscience (Meaney et Szyf, 2004) sur des souris ont montré que le niveau de soins maternels influençait directement la méthylation des gènes régulateurs du stress chez la progéniture. Dans l’expérience, les jeunes rongeurs séparés de leur mère ou recevant peu de soins développaient des niveaux de cortisol plus élevés et une réponse exagérée au stress, même à l’âge adulte. Plus encore, ces altérations de la régulation du stress étaient transmises à leur propre descendance.
4. La transmission comportementale : plus qu'un héritage biologique
L’expérience d’un traumatisme ne modifie pas que la biologie, elle influence aussi les comportements. Et ces comportements peuvent être imités, reproduits, transmis culturellement. Chez les oiseaux, certaines capacités d’apprentissage se transmettent via l’observation sociale, mais des recherches suggèrent que des sensibilités acquises pourraient être codées également de façon épigénétique.
Une étude publiée par Dias & Ressler (
Nature Neuroscience, 2014) a démontré que des souris conditionnées à craindre une odeur (celle de l’acétophénone) associaient cette odeur à un choc électrique. Après quelques expositions, les souris réagissaient avec peur rien qu'à l'odeur. De manière stupéfiante, leurs petits et même leurs petits-enfants — qui n’avaient jamais été exposés à l’odeur ni au choc — montraient une sensibilité équivalente. Cette peur, non acquise par l’expérience directe, a été transmise par voie héréditaire. Les chercheurs ont également observé des modifications épigénétiques sur les gènes liés à l’odorat.
De même, une étude sur les vers
Caenorhabditis elegans (étude de l’Université de Princeton) a montré que des vers conditionnés à éviter un pathogène transmettaient ce comportement à leurs descendants jusqu’à quatre générations.
5. Reconnaître l'héritage pour mieux s'en libérer
Quand on comprend que certains ressentis, peurs ou comportements ne nous appartiennent pas en propre, mais sont le fruit d'un passé familial non digéré, un nouveau regard s'ouvre. Ce n'est pas une fatalité, c'est une clé. Une opportunité de résilience.
Accepter cette part de soi permet de la transformer. Ce que l'on porte, on peut le comprendre, l'expliquer, le transcender. Se connaître, c'est parfois aller explorer les douleurs de ses ancêtres. En brisant le silence, on brise la chaîne. Et en brisant la chaîne, on se libère, et on libère les générations à venir.
6. Un appel à l'éveil collectif
Ce que nous portons n'est pas seulement génétique. C'est émotionnel, social, historique. Cette réalité bouleverse notre vision de la responsabilité personnelle et du soin. Elle invite à développer des pratiques psychothérapeutiques, corporelles, familiales, transgénérationnelles. Il ne suffit plus de guérir un individu : il faut entendre les histoires qu'il porte en silence.
C'est dans cette compréhension que naît la vraie transformation. En choisissant de soigner ce qui a été transmis inconsciemment, on devient le maillon conscient d'une chaîne. Et ce choix peut changer une lignée entière.
7. Et si l'épigénétique influençait aussi notre posture ?
Au-delà des troubles émotionnels ou comportementaux, une question fascinante émerge : l'épigénétique pourrait-elle aussi jouer un rôle dans les adaptations posturales ? Cette hypothèse, encore peu explorée, ouvre des perspectives révolutionnaires dans la compréhension de certaines déformations, asymétries ou déficiences posturales héréditaires.
Certains chercheurs ont déjà montré que les déformations musculo-squelettiques peuvent être liées à des modifications dans l'expression de gènes responsables du tonus musculaire, de la croissance osseuse ou de la coordination motrice. Par exemple, une étude publiée dans
The Journal of Orthopaedic Research (Heck et al., 2015) a indiqué que les stress mécaniques prénatals peuvent induire des modifications épigénétiques affectant la structure du rachis.

Chez l’animal, des altérations de la posture ont été observées chez des souris exposées à un stress prolongé ou à une restriction de mouvement : les chercheurs ont retrouvé une réduction du contrôle postural même chez la descendance, suggérant une adaptation épigénétique transmise.
Enfin, une publication de 2020 dans
Epigenomics (Schroeder et al., 2020) souligne que des modifications de l’expression des gènes de la matrice extracellulaire (collagène, élastine) pourraient être en lien avec certaines pathologies du pied, de la colonne ou de la posture globale. Ces découvertes confirment que l’expression corporelle, et notamment posturale, n’est pas qu’une affaire de biomécanique : elle pourrait aussi porter les traces d’un passé inscrit jusque dans nos gènes.
Cela signifie que certaines adaptations posturales, déformations ou asymétries pourraient s’expliquer non seulement par des habitudes acquises ou des traumatismes directs, mais également par une mémoire biologique héritée. Une perspective qui renforce l’importance d’aborder la posture de manière globale, intégrant la dimension émotionnelle et transgénérationnelle.
8. Études complémentaires et cas emblématiques
Plusieurs études marquantes chez l’humain comme chez l’animal viennent consolider la compréhension scientifique des transmissions épigénétiques. Elles illustrent à quel point les événements environnementaux peuvent laisser une empreinte durable, transmise aux générations suivantes.
a) La famine hollandaise (Dutch Hunger Winter). Durant l’hiver 1944-1945, une famine sévère frappe les Pays-Bas. Les enfants nés de mères enceintes pendant cette période ont montré, des décennies plus tard, un risque accru d’obésité, de diabète de type 2 et de maladies cardiovasculaires. Des chercheurs ont découvert une méthylation anormale du gène IGF2 (Insulin-like Growth Factor 2), impliqué dans la croissance et le métabolisme, chez ces individus.→ Tobi et al., 2009 – PNAS
b) Génocide rwandais et transmission du stress. Une étude de l’Université de Genève menée sur des femmes ayant survécu au génocide rwandais a mis en évidence des taux de cortisol anormaux et des altérations épigénétiques chez leurs enfants. Ces derniers, pourtant non exposés directement aux violences, présentaient des symptômes proches du stress post-traumatique.→ Perroud et al., 2014 – Translational Psychiatry
c) Les chants des oiseaux (pinsons zébrés). Chez certaines espèces d’oiseaux chanteurs comme le pinson zébré, les vocalisations ne sont pas seulement apprises : leur acquisition façonne durablement la structure cérébrale. Il a été observé que l’environnement sonore des parents (richesse, complexité des chants) peut influencer l’expression génétique neuronale chez leurs descendants, modifiant ainsi leurs aptitudes cognitives. → Mooney et al., 2012 – The Journal of Neuroscience
d) Abeilles et déterminisme social épigénétiqueChez les abeilles, les reines et les ouvrières partagent un ADN identique. Ce sont pourtant deux types d’individus très différents. Ce qui les différencie, c’est l’alimentation : seule la reine reçoit de la gelée royale. Ce facteur déclenche une cascade de modifications épigénétiques qui changent le destin cellulaire de l’animal. → Kucharski et al., 2008 – Science
Ces cas emblématiques prouvent que les influences épigénétiques ne se limitent pas à l’héritage du traumatisme psychique, mais peuvent aussi concerner le développement corporel, les capacités cognitives, les comportements sociaux et même les structures anatomiques.
9. Bilan Postural OPS : briser la chaîne des troubles posturaux familiaux !
Réaliser un bilan postural OPS dès le plus jeune âge représente une démarche préventive majeure pour identifier les troubles posturaux à composante héréditaire. En effet, certaines anomalies telles que les scolioses, les pieds plats, ou encore les déséquilibres morphostatiques sont souvent le fruit d’un terrain génétique transmis silencieusement de génération en génération. Grâce à l’approche fine et globale du bilan postural OPS, il devient possible de déceler précocement ces désordres latents avant même qu’ils ne se manifestent cliniquement. En intervenant tôt, on peut alors corriger, rééduquer ou compenser ces altérations pour éviter qu’elles ne s’aggravent à l’âge adulte. C’est pourquoi il est vivement recommandé que les enfants, les parents, et même les grands-parents bénéficient de cette évaluation complète. En faisant ce choix, une famille agit ensemble pour rompre le cycle des tares génétiques, en mettant en place une prévention intelligente, personnalisée et durable, au service de leur bien-être postural global.

10. Changer sa posture pour transformer son héritage génétique, c'est possible !
Longtemps considérée comme immuable, l’hérédité biologique a été bouleversée par les découvertes récentes en épigénétique. On sait désormais que l’expression des gènes peut être influencée par notre environnement, notre alimentation, notre stress… et même par notre posture. En effet, une posture déséquilibrée, subissante ou compensatoire, impose au corps un mode de fonctionnement altéré qui génère des tensions chroniques, des perturbations neuromusculaires et un stress cellulaire pouvant modifier l’expression de certains gènes. À l’inverse, corriger sa posture grâce à une prise en charge précise, comme celle proposée par le bilan postural OPS, permet de restaurer un équilibre biomécanique et neurophysiologique favorable à la santé globale. Ainsi, en agissant sur sa posture, il devient possible d’influencer positivement son terrain épigénétique et, de ce fait, de transmettre à ses enfants un patrimoine biologique optimisé, moins marqué par les stigmates des déséquilibres antérieurs. Ce n’est plus seulement une question de bien-être individuel : c’est un acte de transmission consciente, une manière d'offrir à la génération suivante un héritage corporel plus stable, plus sain et plus résilient.
En conclusion, nous ne sommes pas condamnés à répéter le passé. Nous pouvons l'écouter, le comprendre, et choisir de ne plus le transmettre tel quel. L'épigénétique n'est pas qu'une science : c'est une invitation à nous connaître au-delà de nous-mêmes, à faire la paix avec ce qui ne nous appartient pas, et à transformer l'héritage invisible en force vivante.
Références scientifiques
• Dias B.G., Ressler K.J. (2014). Parental olfactory experience influences behavior and neural structure in subsequent generations. Nature Neuroscience.
• Heck A.L., Handa R.J., et al. (2015). Prenatal stress-induced epigenetic modifications in spinal development. Journal of Orthopaedic Research.
• Kaufman J., et al. (2018). Social supports and epigenetic regulation of stress responses in children. Journal of Child Psychology and Psychiatry.
• Kucharski R., Maleszka J., Foret S., Maleszka R. (2008). Nutritional control of reproductive status in honeybees via DNA methylation. Science.
• Mooney R. et al. (2012). Neural mechanisms for learned birdsong. The Journal of Neuroscience.
• Moore R.S., Kaletsky R., Murphy C.T. (2019). Piwi/PRG-1 Argonaute and TGF-β mediate transgenerational learned pathogenic avoidance. Cell.
• Perroud N. et al. (2014). The Tutsi genocide and transgenerational transmission of maternal stress: epigenetics and cortisol levels in offspring. Translational Psychiatry.
• Schroeder J., et al. (2020). Epigenetic regulation of extracellular matrix genes in postural dysfunctions. Epigenomics.
• Szyf M., Meaney M.J. (2004). Epigenetics, behavior, and early-life adversity: translating basic research into clinical applications. Nature Neuroscience.
• Tobi E.W. et al. (2009). DNA methylation differences after exposure to prenatal famine are common and timing- and sex-specific. PNAS.
• Université de Floride (2025). Syrian families trauma and epigenetic inheritance. Scientific Reports.
• Yehuda R., Daskalakis N.P., Lehrner A., et al. (2016). Intergenerational transmission of trauma effects: putative role of epigenetic mechanisms. Biological Psychiatry.Conclusion : L'héritage n'est pas une condamnation, mais une clé.