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ETUDE : COMPARAISON DYNAMIQUE APRÈS PORT DE SEMELLES ORTHOPÉDIQUES « ACTIVES » EN PÉDIATRIE.

Christophe Otte
Physiothérapeute, podologue, ostéopathe, posturologue

Ortho-Pod Décembre 2008
ETUDE : COMPARAISON DYNAMIQUE APRÈS PORT DE SEMELLES ORTHOPÉDIQUES « ACTIVES » EN PÉDIATRIE.
INTRODUCTION

De génération en génération, les mêmes conseils persistent ! Soutenir le pied d’un enfant est devenu logique et nécessaire pour tout un chacun. Les parents et les commerçants de chaussures considèrent le soutien plantaire comme un gage de qualité pour la chaussure. C’est à un point tel que les parents culpabilisent s’ils ne trouvent pas une chaussure avec un soutien plantaire pour leur enfant ! Pourtant, le sujet est devenu controversé au sein du corps médical. En effet, l’enfant qui commence à marcher n’a pas la musculature suffisamment développée pour accomplir les prouesses des adultes. Et c’est bien normal ! La musculature des pieds de l’enfant va évoluer et se développer jusqu'à l’âge de 8 ans. Et c’est pour cette raison que le soutien plantaire est mis en cause puisqu’il est susceptible de freiner l’activité des muscles souteneurs du pied.
En 2003, Williams a constaté dans son étude que l'activité EMG du Jambier postérieur est diminuée jusqu'à 4 fois, alors même qu'il surcorrige les semelles de 15° et de 30 ° en supination. Son étude tend à démontrer que le soutien diminue l’activité musculaire.
Dans notre étude précédente (2007), nous avons démontré que le port de semelles orthopédiques passives couplées à des chaussures à tiges montantes favorise une déficience musculaire durant la marche.
C’est pourquoi dans cette étude, nous souhaitons démontrer que le port de semelles orthopédiques actives couplées à des exercices peut favoriser un gain musculaire durant la marche.
 
 
Vue interne d’une semelle active complète 
 

Socle correcteur rigide et élastique
 
 
Pour ce faire, nous avons proposé à 29 enfants aux pieds hyperpronatés de porter des semelles orthopédiques actives durant une année entière. Chaque enfant avait une seconde paire de semelles actives pour effectuer les exercices journaliers (la résistance de la semelle conçue pour les exercices  étant plus importante que la précédente).  Afin de visualiser les effets d’une semelle orthopédique active sur la musculature, nous avons opté sur l’analyse vidéogoniométrique de l’articulation sous-astragalienne durant la marche. Étant donné que neuf enfants n’ont pas pu effectuer le traitement complet, l’étude ne retient les résultats que de 20 cas (soit 40 pieds analysés)
Les semelles orthopédiques actives ont été confectionnées par le laboratoire Kinepod. Elles se composent d’une surélévation  postéro-interne flexible, d’une arche interne flexible, d’une arche externe flexible, et d’une arche antérieure flexible. Les semelles ont été thermoformées avec des matériaux rigides à composante élastique (carbonésate 100 shores).
Afin de rester logique dans le traitement orthopédique actif, nous avons imposé aux enfants le port de chaussures ayant obligatoirement les quatre critères suivants : tige basse, contrefort postérieur solide, fermeture réglable au coup de pied (lacets ou velcros), semelle externe fine et plate. 
 

MÉTHODOLOGIE
 
 
Population : 20 enfants de 7 à 12 ans : 40 pieds hyperpronateurs en dynamique, pronation sous-astragalienne entre 5° et 10° en statique, arche interne entre 115° et 130°.
 
Examen pieds nus.
 
 Examens de la marche via podia XP (logiciel d’analyse du mouvement):
vitesse de marche constante sur tapis roulant (2.8)
5 min. de temps d’adaptation au tapis roulant
5 min de marche enregistrée
 
Examen après 1 an de port de semelles orthopédiques :
 
Le groupe d’enfant (pieds hyperpronateurs) a porté des semelles orthopédiques « actives » (semelles Kinépod « actives »). Deux paires de semelles actives ont été confectionnées pour chaque enfant. Une paire pour le port journalier et une paire plus élevée en résistance pour effectuer les exercices quotidiens. Le renouvellement des semelles a automatiquement été effectué après 6 mois de port.
Exercices quotidiens : Les enfants ont pratiqué des exercices sur les semelles. Entre 20 min.et 1 heure/jour, 6 jours sur 7.
1. Piétinement
2. Mouvement de mise sur pointe
3. Mouvement de supination
4. Mouvement de bascule antéro-postérieure
 
 
 
RÉSULTATS
 
 
Les résultats quantitatifs sont des données dynamiques. L’ensemble des données fournies par le logiciel a été presque intégralement repris dans un tableau informatisé (Excel) qui a permis de produire les divers histogrammes présentés ci-dessous. Nous avons testé statistiquement les données par le test de FISHER et le test de STUDENT. Les données après 1 an de port de semelles orthopédiques actives sont à chaque fois comparées aux données avant la confection des semelles.
Parmi tous les résultats que nous avons recueillis, nous ne retenons que ceux qui nous paraissent les plus significatifs.
 
 
Examens dynamiques bipodaux.
20 enfants ayant des pieds hyperpronateurs ont porté des semelles orthopédiques « actives » (semelles kinépodiques) durant une année entière.
 
1) Phase d’amortissement.

 
On constate une nette diminution de l’amplitude sous-astragalienne lors de l’attaque du talon au sol après 1 an de port des semelles kinépodiques « actives ». La moyenne est toujours légèrement en position pronatée.
 
 
2) Phase d’appui

 
On constate une nette diminution de l’amplitude sous-astragalienne lors de la phase d’appui après 1 an de port des semelles kinépodiques « actives ». La moyenne est dans la physiologie articulaire.
 
3) Phase de propulsion

 
On constate une nette diminution de l’amplitude sous-astragalienne lors de la phase de propulsion après 1 an de port des semelles kinépodiques « actives ». La moyenne est toujours légèrement en position pronatée.
 
 
Il a été intéressant de constater que pour la majorité des enfants, les déformations articulaires de l’arrière-pied en position statique ont diminué après 1 an de port de semelles actives.
 
 
Avis des sujets testés.
 
-Toutes les semelles orthopédiques  « actives » ont été facilement supportées. Aucune personne ne s’est plainte du port des semelles kinépodiques « actives ». Que du contraire, les enfants adorent la sensation de ressort procurée par les semelles kinépodiques et ils les ont tous trouvés confortables.
 
Sur toute la population testée avec port de semelles orthopédiques actives, 16 enfants se sont plaints de douleurs musculaires dans les jambes, et ce durant les trois premières semaines de port. La difficulté étant dans les exercices imposés avec les semelles actives.
 
 
 
DISCUSSION.
 
 
Dans cette partie nous cherchons à discuter des résultats obtenus au plan du fond et, à les lier avec les particularités des semelles proposées.
 
Examens dynamiques bipodaux.
 
Il y a une nette diminution de l’amplitude sous-astragalienne après le port de semelles orthopédiques « actives », et ce dans toutes les phases du pas. Ceci s’explique par la réactivité des muscles dans leur timing. La diminution est plus marquée pour les phases d’amortissement et de propulsion. 
 
Il y a une amélioration de l’amortissement du pied  après le port des semelles orthopédiques « actives », étant donné que la pronation des articulations sous-astragaliennes a diminué de manière plus significative dans la 1ère étape du pas (amortissement) et dans la 3ème étape (propulsion). En somme, la première phase du pas (amortissement) a progressé davantage par rapport à l’étape suivante (appui). 
La diminution significative de la 3ème étape (propulsion) du pas par rapport à la 2ème étape (appui) permet de constater une meilleure utilisation du pied en tant que « levier rigide ». Par ce fait, la propulsion du pied est plus économique.
 
Étant donné qu’elle stimule la musculature, la semelle kinépodique « active » pourrait être enlevée après un à deux ans, si toutefois la musculature est arrivée à une fonction normale. Il est tout de même conseillé de suivre l’évolution musculaire afin de s’assurer qu’un facteur génétique ne soit pas la cause d’une rechute musculo-articulaire.
 
 
 
 
 
 
Résumé.


Après 1 an de port de semelles orthopédiques « actives » (semelles kinépodiques « actives »), associé à des exercices musculaires sur semelles :
Nous constatons :
une diminution de l’amplitude sous-astragalienne (en pronation) dans toutes les phases du pas.
une amélioration significative de l’amortissement.
une économie d’énergie en fin de pas (amélioration du verrouillage du pied).
 
 
 

En somme, la semelle orthopédique « active » permet une amélioration du timing musculaire et améliore la position de l’articulation sous-astragalienne durant la marche. Il est donc vivement conseillé de faire porter aux enfants des semelles orthopédiques actives (semelles kinépod « actives ») en y associant des exercices musculaires sur semelles afin de stimuler les muscles du pied et de respecter la physiologie articulaire du pied durant la marche.
 
 
 
 
 
Diminution de l’amplitude sous-astragalienne dans toutes les phases du pas.
Amélioration significative de l’amortissement
Économie d’énergie en fin de pas
 
 
En statique : pour la majorité des enfants, les déformations articulaires de l’arrière-pied en position statique ont diminué après 1 an de port de semelles actives.
Image
 
 
 
 
 
CRITIQUES :
 
- La population étudiée est jeune et non pathologique.
- Une population plus importante ferait peut-être varier certaines données, les rendant significatives ou pas.
- Les capteurs sont placés sur une référence de palpation de l’articulation sous-astragalienne en position neutre. Cette référence dépend donc de la palpation du thérapeute.
- Les tests ont étés effectués 48 heures après le retrait du port des semelles dans les chaussures. Ce retrait nous a semblé nécessaire afin que les muscles des pieds se réhabituent à la marche sans semelle.
- Le port de chaussures est différent d’un enfant à l’autre. Par contre, les parents ont acheté des chaussures en suivant les critères proposés.
- Étant donné le jeune âge des enfants, il est difficile d’être juste concernant le nombre d’heures d’exercices effectués par semaine. Celui-ci étant logiquement variable d’un enfant à l’autre. C’est d’ailleurs pour ces raisons que nous avons demandé aux enfants de pratiquer les exercices 6 jours sur 7 (supervisés par les parents) afin d’obtenir  au moins 3 jours de travail par semaine.
- La vitesse de marche du patient n’est pas toujours reproductible. La même vitesse de marche  a été imposée pour tous les enfants. Ce facteur pourrait peut-être perturber les enfants qui n’ont pas une marche de croisière identique ?
- La population de départ de l’étude était de 29 enfants. Nous avons dû éliminer 9 enfants de l’étude, car ils ne pratiquaient pas régulièrement le port de semelles et les exercices. Les exercices sont contraignants et demandent une grande motivation de l’enfant et surtout des parents.
 
 
 
 
 
 
CONCLUSION
 
Dans les cas où l’enfant accuse un retard musculaire apparent, il est recommandé de porter des semelles orthopédiques actives  afin de stimuler les muscles à travailler dans une parfaite coordination et d’y associer un travail musculaire via des exercices journaliers sur semelles orthopédiques actives. Par ce traitement, nous avons pu constater que les pieds hyperpronatés durant la marche pouvaient évoluer vers une normalité. 
L’avantage de travailler avec des semelles orthopédiques actives est qu’elles peuvent être adaptées de manière à devenir passives ou semi-passives par l’ajout d’élément de renfort ou de sangles élastiques. 
En somme, il est facilement envisageable de diminuer l’activité d’un muscle dans un stade aigu lésionnel en ajoutant des éléments de renfort ou des sangles. Et dès que ce stade est dépassé, il est souhaitable d’enlever les renforts ou les sangles afin de favoriser une réactivité musculaire.