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ETUDE : INFLUENCE DYNAMIQUE DU PORT DE SEMELLES ORTHOPÉDIQUES PASSIVES EN PÉDIATRIE.

Christophe Otte
Physiothérapeute, podologue, ostéopathe, posturologue

Ortho-Pod Février 2007
ETUDE : INFLUENCE DYNAMIQUE DU PORT DE SEMELLES ORTHOPÉDIQUES PASSIVES EN PÉDIATRIE.
INTRODUCTION
De génération en génération, les mêmes conseils persistent ! Soutenir le pied d’un enfant est devenu logique et nécessaire pour tout un chacun. Les parents et les commerçants de chaussures considèrent le soutien plantaire comme un gage de qualité pour la chaussure. C’est à un point tel que les parents culpabilisent s’ils ne trouvent pas une chaussure avec un soutien plantaire pour leur enfant ! Pourtant, le sujet est devenu controversé au sein du corps médical. En effet, l’enfant qui commence à marcher n’a pas la musculature suffisamment développée pour accomplir les prouesses des adultes. Et c’est bien normal ! La musculature des pieds de l’enfant va évoluer et se développer jusqu'à l’âge de 8 ans. Et c’est pour cette raison que le soutien plantaire est mis en cause puisqu’il est susceptible de freiner l’activité des muscles souteneurs du pied.
En 2003, Williams a constaté dans son étude que l'activité EMG du Jambier postérieur est diminuée jusqu'à 4 fois, alors même qu'il surcorrige des semelles orthopédiques de 15° et de 30 ° en supination. Son étude tend à démontrer que le soutien diminue l’activité musculaire.
Si l’activité EMG du muscle soutenu est diminuée durant la locomotion, nous devrions logiquement constater une différence lors de l’analyse vidéogoniométrique en dynamique après le port prolongé de semelles orthopédiques passives.
C’est pourquoi dans cette étude, nous souhaitons répondre à la question suivante : « Est-ce qu’une semelle orthopédique passive a un impact sur la musculature du pied d’un enfant ? »
 
Pour ce faire, nous avons proposé à 24 enfants aux pieds sensiblement normaux de porter des semelles orthopédiques passives durant une année entière. Afin de visualiser les effets d’une semelle orthopédique passive sur la musculature, nous avons opté sur l’analyse vidéogoniométrique de l’articulation sous-astragalienne durant la marche. Étant donné que quatre enfants n’ont pas pu effectuer le traitement complet, l’étude ne retient les résultats que de 20 cas (soit 40 pieds analysés)
Les semelles orthopédiques passives ont été confectionnées par le laboratoire Kinépod. Elles se composent d’un coin postéro-interne postérieur, d’un soutien des arches internes, externes, et antérieures. Les semelles ont été thermoformées avec des matériaux rigides (carbone 100 shores) sur le plâtre positif corrigé.
 
Afin de rester logique dans le traitement orthopédique passif, nous avons imposé aux enfants le port de chaussures ayant obligatoirement les trois critères suivants : tige montante rigide, contrefort postérieur rigide, fermeture réglable au coup de pied (lacets ou velcros). Il ne fut guère difficile pour les parents de trouver ces chaussures dans le commerce puisque ces chaussures sont les plus vendues et sont pour tout un chacun un gage de qualité. 
 
MÉTHODOLOGIE
 
Population : 20 enfants de 6 à 14 ans : 40 pieds presque normaux en dynamique, légère pronation sous-astragalienne entre 0° et 5° en statique, arche interne entre 120 et 130°.
 
Examen pieds nus.
 
 Examens de la marche via podia XP (logiciel d’analyse du mouvement) :
vitesse de marche constante sur tapis roulant (2.8)
5 min. de temps d’adaptation au tapis roulant
5 min de marche enregistrée
 
Examen après 1 an de port de semelles orthopédiques :
Le groupe d’enfant (pieds normaux) a porté des semelles orthopédiques « passives ».
 
 
 
RÉSULTATS
 
 
Les résultats quantitatifs sont des données dynamiques. L’ensemble des données fournies par le logiciel a été presque intégralement repris dans un tableau informatisé (Excel) qui a permis de produire les divers histogrammes présentés ci-dessous. Nous avons testé statistiquement les données par le test de FISHER et le test de STUDENT. Les données après 1 an de port de semelles orthopédiques passives sont à chaque fois comparées aux données avant la confection des semelles.
Parmi tous les résultats que nous avons recueillis, nous ne retenons que ceux qui nous paraissent les plus significatifs.
 
 
Examens dynamiques bipodaux.
20 enfants ayant des pieds normaux ont porté des semelles orthopédiques « passives » durant une année entière.
 
1) Phase d’amortissement.

 
On constate une accentuation de l’amplitude sous-astragalienne lors de l’attaque du talon au sol après 1 an de port des semelles orthopédiques « passives ». La moyenne est en position hyperpronatée.
 
2) Phase d’appui

 
On constate une nette accentuation de l’amplitude sous-astragalienne lors de la phase d’appui après 1 an de port des semelles orthopédiques « passives ». La moyenne est en position hyperpronatée.
 
 
3) Phase de propulsion

 

On constate une nette accentuation de l’amplitude sous-astragalienne lors de la phase de propulsion après 1 an de port des semelles orthopédiques « passives ». La moyenne est en position hyperpronatée.


 
 
Avis des sujets testés.
 
- Douze enfants ont difficilement supporté le port des semelles orthopédiques  « passives ». 
 
- Sur toute la population testée avec port de semelles orthopédiques passives, cinq enfants se sont plaints de douleurs aux pieds (douleurs de contact) durant les premiers mois du port de semelles orthopédiques passives.
 
 
 
DISCUSSION.
 
Dans cette partie nous cherchons à discuter des résultats obtenus sur le plan du fond et à les lier avec les particularités des semelles proposées.
 
Examens dynamiques bipodaux.
 
Il y a une nette augmentation de l’amplitude sous-astragalienne après le port de semelles orthopédiques « passives », et ce dans toutes les phases du pas. Ceci s’explique par la diminution de la réactivité musculaire durant l’année de port de semelles orthopédiques « passives».
 
Les semelles orthopédiques passives ont favorisé la diminution de l’amortissement du pied. Il est tout de même à signaler que le groupe d’enfant n’avait pas un parfait amortissement avant de porter des semelles orthopédiques passives. Avec le port de semelles orthopédiques passives, la pronation des articulations sous-astragaliennes s’est accentuée de manière significative dans toutes les étapes du pas. La différence d’amplitude entre les 3 étapes du pas est moins marquée après le port de semelles orthopédiques passives. Ceci sous-entend que l’amortissement du pied est amoindri et  que la marche est moins économique puisque le pied se verrouille plus difficilement en fin de pas.
 
Ceci tend à démontrer que les semelles orthopédiques « passives » fonctionnent comme les autres appareillages orthopédiques d’immobilisation. En limitant le mouvement du pied dans une position dite « esthétique », la musculature du pied n’a plus d’effort à fournir pour assurer la parfaite position de l’articulation sous-astragalienne.
 
Concernant la hauteur de l’arche interne, nous n’avons pas constaté visuellement de différence après le port de semelles orthopédiques passives. Afin de confirmer cette constatation, il serait souhaitable de faire une étude similaire en mesurant la hauteur des arches.
Le fait que la hauteur d’arche semble inchangée après le port de semelles orthopédiques passives peut laisser sous-entendre que la semelle orthopédique passive ne favorise pas de détérioration de la structure articulaire de l’arche interne du pied ; et que même si elle impose une déficience musculaire, cette dernière peut permettre de ralentir la déformation articulaire du pied, à condition de ne jamais s’en passer. 
L’excès d’amplitude en pronation de l’arrière-pied après un an de port de semelles orthopédiques « passives » s’explique par le simple fait que l’immobilisation prolongée diminue l’activité musculaire des pieds. Il est aussi important de signaler que les chaussures portées par les enfants favorisaient aussi l’immobilisation de la cheville, puisqu’elles étaient conçues avec une tige montante rigide et un contrefort postérieur rigide. Il est fort probable que ces chaussures ont aussi joué un rôle dans l’affaiblissement des muscles extrinsèques des pieds.
Il est important de signaler que les enfants retiraient leurs chaussures en rentrant chez eux et pour accomplir des tâches sportives aquatiques (piscine) et de propreté (salle de bains). Il est fort probable que sans ces arrêts brutaux d’immobilisation, le pied s’enraidirait en position « esthétique ». Tout comme avec le port d’un plâtre prolongé, le pied perdrait toutes ses fonctions dynamiques (perte de mobilité et fonte musculaire).
 
 
 
RÉSUMÉ
 
 
nous constatons :
une  augmentation de l’amplitude sous-astragalienne (en pronation) dans toutes les phases du pas.
Une diminution significative de l’amortissement.
Une diminution de l’économie d’énergie en fin de pas (diminution du verrouillage du pied).
 
 
En somme, la semelle orthopédique « passive» inhibe le travail musculaire et crée à la longue un excès d’amplitude en pronation de l’articulation sous-astragalienne durant la marche.
Il est donc vivement conseillé d’éviter le port de semelles orthopédiques passives en continu durant une période supérieure à six semaines. 
Les semelles orthopédiques passives ont la même fonction que les appareillages d’immobilisation utilisés dans le milieu médical (minerve, corset…).
 
 
 
Augmentation de l’amplitude sous-astragalienne dans toutes les phases du pas.
Diminution significative de l’amortissement
Moins bonne économie d’énergie en fin de pas
 
CRITIQUES :
 
- La population étudiée est jeune et non pathologique.
- Une population plus importante ferait peut-être varier certaines données, les rendant significatives ou pas.
- Les capteurs sont placés sur une référence de palpation de l’articulation sous-astragalienne en position neutre. Cette référence dépend donc de la palpation du thérapeute.
- Les tests ont étés effectués 48 heures après le retrait du port des semelles dans les chaussures. Ce retrait nous a semblé nécessaire afin que les muscles des pieds se réhabituent à la marche sans semelle.
- Le port de chaussures est différent d’un enfant à l’autre. Par contre, les parents ont acheté des chaussures en suivant les critères proposés.
- La vitesse de marche du patient n’est pas toujours reproductible. La même vitesse de marche a été imposée pour tous les enfants. Ce facteur pourrait peut-être perturber les enfants qui n’ont pas une marche de croisière identique ?
 
 
 
CONCLUSION
 
Pour assurer un développement normal des muscles des pieds d’un enfant, il est conseillé d’éviter le port de semelles orthopédiques passives et de chaussures à tige montantes rigides qui limitent les mouvements des pieds. Ces éléments de maintien gênent le développement naturel des muscles souteneurs des voûtes plantaires et des muscles stabilisateurs des chevilles. Nous avons pu démontrer dans cette étude que le port continu de semelles orthopédiques passives associées à des chaussures à tiges montantes  affaiblit l’activité des muscles du pied. Après une année de port continu de semelles orthopédiques passives et de chaussures à tiges montantes, les articulations sous-astragaliennes des enfants se positionnaient en pronation accentuée durant la phase portante du cycle de la marche. Pour cette raison, il est souhaité de ne pas ajouter de soutien passif dans les chaussures des enfants et d’éviter les chaussures à tiges montantes si l’objectif thérapeutique est  d’obtenir une amélioration musculo-articulaire. 
Cette étude ne retire pas les effets thérapeutiques « antalgique et cicatrisant » qu’a le port de semelles orthopédiques passives. C’est pourquoi il est important d’insister sur le fait qu’elles restent une nécessité durant le stade aigu d’une pathologie, et dans une situation d’atrophie musculaire irrécupérable, associée à des phénomènes douloureux en mobilité. 
C’est-à-dire que les semelles orthopédiques passives permettent un repos des différentes structures du pied (tendons, muscles, ligaments, articulations) et permettent une cicatrisation plus rapide de la structure lésée. Une fois que le pied n’est plus enflammé et douloureux, il est souhaitable d’enlever la semelle.  À titre comparatif, un médicament anti-inflammatoire se prend juste le temps de faire disparaître l’inflammation. Tout un chacun trouve logique d’arrêter de prendre des médicaments dès qu’il n’y a plus de douleur. Pourtant dans une grande majorité, les personnes qui portent des semelles qui ont eu le résultat souhaité ne s’en séparent jamais, juste par crainte que leur souci initial revienne. Malheureusement, ces personnes pensent faire du préventif, alors qu’il n’en est rien.
 
 
D.S. Williams, I. McClay-Davis and S.P. Baitch, Effect of inverted orthoses on lower extremity mechanics in runners, Medicine and Science in Sports and Exercise 35 (2003), pp. 2060–2068