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LES SÉQUELLES DU PORT PROLONGÉ DE SEMELLES ORTHOPÉDIQUES PASSIVES.

Christophe Otte
Orthokinésiste
Physiothérapeute, podologue, ostéopathe, posturologue
LES SÉQUELLES DU PORT PROLONGÉ DE SEMELLES ORTHOPÉDIQUES PASSIVES.
À ce jour, le port de semelles orthopédiques « passives » est décrié pour ses séquelles d’immobilisation prolongée. Les semelles orthopédiques « actives », nommées « activateurs plantaires » ont un grand succès grâce à leur effet dynamique. Ce dernier est assurément la solution pour éviter les effets néfastes de l’immobilisation prolongée.
 
Une semelle orthopédique passive agit comme un plâtre. Son action doit être limitée à 6 ou 8 semaines de port continu !
 
 
Les semelles orthopédiques « passives » ont pourtant un effet intéressant pour assurer la cicatrisation d’un tissu trop atteint que pour cicatriser en mouvement. Lorsqu’il y a trop d’impotence fonctionnelle, l’immobilisation est inévitable. La fracture osseuse en est le parfait exemple. Il est quasiment impossible d’assurer une consolidation osseuse sans immobiliser la structure. Nos ancêtres utilisaient des morceaux de bois entouré de tissus pour immobiliser les cassures osseuses. Il fallut attendre 1852 pour découvrir les 1ers effets du plâtre. C’est à cette époque que le chirurgien militaire néerlandais Antonius Mathijsen (1805-1878) a créé le plâtre moulé par immersion dans l’eau pour immobiliser des fractures.
 

On a donc à ce jour assez de recul pour connaître les effets négatifs de l’immobilisation prolongée. D’ailleurs, un an après l’invention du plâtre, un autre médecin hollandais d'origine allemande Johan Georg Mezger (1838-1909) découvrit que les mobilisations passives et actives permettaient de contrecarrer les séquelles de l’immobilisation. La kinésithérapie/physiothérapie était née.
 
Actuellement, il existe 2 types d’immobilisation en orthopédie : la passive et l’activo-passive. L’immobilisation passive est une immobilisation qui réduit complètement le mouvement de la structure lésée. L’immobilisation activo-passive est une immobilisation partielle, qui laisse le mouvement nécessaire pour réduire les effets négatifs de l’immobilisation, et suffisante pour assurer la cicatrisation.
À titre d’exemple, la semelle orthopédique active Kinépod ou semelle kinépodique est modulable grâce à un concept suisse breveté. Il est possible d’y ajouter des éléments ou des sangles qui lui confèrent une réduction du mouvement. Ce mouvement peut être réduit partiellement ou totalement selon l’évolution de la pathologie et le souhait du thérapeute. En somme, la semelle orthopédique Kinépod est une semelle qui peut être « active, passive, partiellement passive ou partiellement active ».
 
Afin de comprendre l’intérêt de cette modulabilité « activo-passive », il faut d’abord connaître les conséquences de l’immobilisation prolongée :
 
Au niveau articulaire
Une articulation, c’est 2 os ou plus qui " jouent " l’un par rapport à l’autre. Chaque os qui compose l’articulation possède une couche protectrice de cartilage (ensemble de cellules assez compactes, sans irrigation sanguine et qui se renouvelle tout au long de la vie). Au niveau de l’articulation, on trouve aussi une poche qui englobe les cartilages et les extrémités des os (= poche synoviale). Dans cette poche circule un liquide extra-cellulaire appelé liquide synovial ou synovie. Il existe un équilibre entre les composants du cartilage et ceux du liquide synovial (de nature osmotique). À chaque mouvement de l’articulation, le liquide bouge sur le cartilage et nourrit celui-ci en l’imbibant.
L’immobilisation articulaire occasionne des conséquences qui surviennent dès 4 jours d’immobilisation :
  • Accélération des processus de dégradation du cartilage. Lorsqu’il est totalement détruit, l’arthrose s’installe.
  • Les ligaments s’enraidissent et diminuent l’espace entre les 2 os.
 
 
Au niveau musculaire
Les muscles sont intimement liés aux articulations, c’est pourquoi le malaise de l’un se répercute souvent sur l’autre.
L’immobilisation d’un muscle est rarement possible, mais l’immobilisation d’une articulation peut entraîner des conséquences musculaires :
  • Contractures dues au maintien du membre dans une position fixe.
  • Des problèmes de développement musculaire. Le muscle se renouvelle de jour en jour en fonction de l’effort qu’on lui demande. Ainsi, un muscle peu sollicité aura tendance à régresser, au contraire, un muscle sans cesse sollicité prendra en volume et en force de contraction. Dans une articulation maintenue immobile, le muscle s’atrophie puisqu’il n’a plus de sollicitation.
  • Un envahissement du muscle par du tissu conjonctif, des adhérences…
  • Un enchevêtrement anarchique des fibres musculaires. Les fibres musculaires ne sont pas disposées au hasard dans le muscle, elles suivent toutes une même direction, cette direction est donnée et rectifiée à chaque fois que le muscle passe de la contraction au relâchement et vice versa. C’est en fait la tension exercée par la contraction qui donne aux fibres la bonne direction.
Remarque : lors d’une cicatrisation, les fibres musculaires, dermiques, et tendineuses ont besoin d’une légère tension pour bien s’orienter. C’est pourquoi on préconise toujours la mobilisation douce, voire très douce, des zones blessées…
 
Au niveau circulatoire
L’immobilisation occasionne une diminution du nombre de vaisseaux sanguins (jusqu’à 60 % en moins). Les cellules de la zone immobile subissent une diminution de l’apport en O2 et en nutriments.
Le mouvement permet un meilleur retour veineux par écrasement des veines via l’action musculaire (comme des millions de petits cœurs qui s’actionnent quand on bouge). En l’absence de cette dynamique s’installe une stase veineuse.
 
Au niveau osseux
Un os n’est pas inerte. L’absence de mouvement entraîne une absence de tensions sur l’os, on a donc les mêmes problèmes qu’avec les muscles :
  • Atrophie ou désagrégation des os appelée ostéofibrose.
  • Déséquilibre vis-à-vis du calcium. La minéralisation amoindrie réduit la solidité des os.
  • Chez le jeune, on observe un ralentissement de la croissance.
 
Au niveau du système nerveux
L’absence de stimulations entraîne une disparition de beaucoup de cellules nerveuses, d’où une perte de sensibilité et de motricité possible. C’est ce qu’on nomme une perte de proprioception.
 
 
La récupération dure entre 5 à 10 fois plus longtemps que la période d’immobilisation. Elle peut devenir impossible dès 12 semaines d’immobilisation. Pour le cartilage, le changement est irréversible au bout de 8 semaines.
La mobilisation est donc indispensable au maintien de l’intégrité des fonctions. Cependant, bon nombre de pathologies ou blessures rendent impossibles des manipulations soutenues ou des efforts physiques. Il faut donc immobiliser activement ou passivement selon la gravité et toujours limiter le temps d’immobilisation au temps de cicatrisation du tissu lésé. En moyenne, un os est immobilisé durant 6 semaines pour une fracture, un ligament est immobilisé durant 2 semaines pour une entorse, un tendon et un muscle sont immobilisés durant 15 jours pour une tendinite ou déchirure partielle.
 
En règle générale, l’immobilisation d’une articulation ne dépasse pas 8 semaines. Le port de semelles orthopédiques « passives » doit donc se limiter à cette période pour éviter toutes les conséquences néfastes de l’immobilisation. Le port de semelles orthopédiques actives, quant à elles, peut être préconisé à tout moment dans un objectif de stimulation du mouvement pour une meilleure récupération fonctionnelle. Elles doivent cependant être utilisées progressivement sur les structures qui ont subi des séquelles d’immobilisation prolongée. Il faut retenir qu’une structure immobilisée au-delà de 12 semaines risque de garder des séquelles irrécupérables dans leur totalité.

Image : La semelles orthopédiques actives du laboratoire KINEPOD permet une dynamique du pied en respectant sa physiologie fonctionnelle.