LES ARTICLES OPS

QUELLES SEMELLES ORTHOPÉDIQUES CHOISIR POUR SKIER ?

Christophe Otte
Orthokinésiste
Physiothérapeute, podologue, ostéopathe, posturologue
QUELLES SEMELLES ORTHOPÉDIQUES CHOISIR POUR SKIER ?
Dès que vous rentrez dans un commerce de sport spécialisé dans la chaussure de ski, il vous est proposé d’acheter des semelles avec des chaussures qui comportent un bon chausson. Quelques arguments convaincants vous seront présentés. Le 1er est que 90% des skieurs souffrent des pieds. Ce n’est pas vraiment étonnant vu la rigidité des chaussures de ski. Afin d’optimiser le confort du pied, il vous sera proposé d’améliorer la répartition des pressions en bouchant tous les espaces vides entre le pied et la chaussure.
 
Le confort en ski a réellement progressé ces dernières années grâce aux nouveaux matériaux des chaussons et des coques. Ces derniers peuvent même être thermo-moulés pour un confort instantané. Le thermoformage du chausson permet de mieux répartir les pressions imposées par la chaussure aux niveaux des contours des pieds, des chevilles et de la jambe.
Afin de réduire les frottements au niveau des malléoles et des os latéraux du pied, une semelle correctrice peut être très utile. Dans l’exemple ci-dessous, il est facile d’imaginer les contraintes au niveau des saillies osseuses sur la coque rigide de la chaussure de ski au niveau de la malléole interne et du naviculaire.


Le second argument est qu’une chaussure qui colle au corps procure une meilleure réactivité dans le déplacement des skis en mouvement. Un pied rigide permet donc une meilleure performance. Cet argument pourrait être applicable aux skieurs à vitesse élevée, mais il n’est pourtant pas apprécié par les plus grands skieurs aux pieds fonctionnels. Tout se complique en effet lorsqu’on veut maîtriser la position et la musculature du skieur. Bloquer un pied sous-entend tout simplement lui retirer toute fonctionnalité.



Mais à quoi nous sert donc un pied ?

Le pied est un ressort qui réagit comme un amortisseur de voiture. Il est composé de 3 arches élastiques qui se gonflent et se dégonflent grâce aux muscles des pieds.

Ce statut de « ressort » lui permet d’assurer 5 fonctions essentielles :
1. Un amortissement pour absorber les chocs.
2. Une propulsion économique, puisque c’est l’effort qui demande le plus d’énergie.
3. L’adaptation aux variations de terrain, tout comme le véhicule 4 X 4 sur un terrain accidenté.
4. L’équilibre de la posture
5. Une meilleure circulation sanguine grâce à l’effet pompe du pied.
 
Durant la marche, le pied réagit tel un ressort !

 
 
 
En skiant, est-ce que toutes les fonctions du pied sont utiles ?
 
Le pied est réduit en amplitude dans une chaussure rigide qui fixe la cheville en flexion. Cependant, la flexion favorise l’écrasement du pied. Il est donc contraint à perdre une partie de son ressort.
 

 
La flexion favorise l’écrasement du pied. Il perd de l’amplitude et une partie de son ressort.



C’est la raison pour laquelle de grands biomécaniciens se battent pour que les industriels de la chaussure de ski alpin la modifient. L’auteur du livre « ultimate skiing », Ron LeMaster, insiste sur ce point et explique l’utilité d’un pied « dynamique » pour être un grand skieur.
Par cette position fléchie, le pied va donc perdre une partie de sa 1ère fonction, l’amortissement.
Sa deuxième fonction « propulsive » ne sera pas vraiment nécessaire en ski puisqu’on ne rebondit pas dans les sports de glisse.
Sa 3ème fonction d’adaptateur aux terrains sera utile face aux nombreuses petites irrégularités du terrain. C’est d’autant plus important dans la neige puisque le skieur n’est pas sur une piste de glace bien lisse.
 
Sa 4ème fonction d’équilibrateur postural sera essentielle en dynamique grâce aux mouvements de pronation-supination du pied dans la chaussure. L’arrière du pied fonctionne comme une charnière.
L’arrière-pied est une charnière qui dirige le tibia et le genou.

Ce mouvement de pronation-supination doit être libre dans la chaussure de ski pour rattraper des écarts, pour mieux diriger le ski sur sa carre et pour mieux diriger le genou. Quand le pied se déplace en pronation-supination, le tibia est guidé et s’oriente dans la position la plus adaptée pour une meilleure posture en dynamique. Ce mouvement lui permet de rattraper les irrégularités du sol et préserve les articulations supérieures aux pieds.
Sa 5ème fonction « pompe » pour améliorer le retour veineux est réduite dans la chaussure de ski par le fait que le pied et la jambe sont comprimés sur tous les plans et qu’elle limite le mouvement du pied. Pour cette raison, le pied doit pouvoir bouger un minimum au niveau de la sole plantaire afin d’assurer un meilleur retour veineux. Les chaussures qui ont une semelle rigide sous la plante du pied réduisent ce retour veineux et occasionnent un forcing du cœur plus conséquent.
 
 
 
Quelles sont les différentes semelles de ski et lesquelles sont les plus appropriées pour skier ?

Il existe de nombreuses semelles sur le marché du ski et en podologie. Les semelles les plus pratiquées sont les semelles orthopédiques classiques  dites « semelles passives » et les activateurs plantaires dits « semelles actives ».
Il existe des semelles standards et sur mesure pour chaque type de semelles, qu’elles soient passives ou actives. Le principe des semelles actives est breveté et n’est disponible que par les laboratoires Kinépod, Orthes et Tedop. Les semelles orthopédiques actives sont pratiquées par des Orthokinésistes. Le principe des semelles orthopédiques passives est libre et pratiqué par les podologues et orthésistes.

Les semelles standard peuvent être proposées par les professionnels de la santé et les commerces de sport.

Dans les commerces de ski, il est couramment proposé de thermo-mouler le chausson et des semelles. Il arrive même qu’on ne vous laisse pas le choix de prendre une paire de semelles thermoformées sous prétexte que l’un (le chausson) ne va pas sans l’autre (la semelle).

 

 
 
 
Quel est l’intérêt de porter une semelle thermoformée sur mesure en ski ?

Comme spécifié plus haut, cette semelle peut être un argument de poids pour améliorer le confort d’un pied déformé dans une chaussure rigide. Cependant, bloquer le pied est contraignant pour la posture dynamique, la performance et le retour veineux.
Le principe de confection de la semelle orthopédique thermoformée passive « sur mesure » est de chauffer un matériau à sa température de ramollissement afin qu’il puisse épouser l’empreinte du pied sur un emprunteur sous vide. La semelle chauffée est ensuite prise en sandwich par le pied et l’emprunteur. Une fois refroidi, le matériau garde sa forme et la semelle peut aussitôt être utilisée.
 


La semelle orthopédique thermoformée classique a les caractéristiques d’une « semelle passive », c'est-à-dire qu’elle réduit la mobilité du pied.



Cette semelle est utilisée en orthopédie – podologie pour soulager des douleurs de pied entre 4 et 8 semaines maximum, tout comme une minerve ou un plâtre. Il faut savoir qu’un port excessif peut occasionner les séquelles d’une immobilisation prolongée (fonte musculaire et raideur articulaire). Elle rend alors le pied vulnérable et totalement dépendant de ses semelles. À la longue, il devient impossible de s’en séparer.
Étant donné que la majorité des personnes skient juste 2 à 3 semaines par an, le risque de séquelles sur les muscles et les articulations est vraiment mineur. C’est un autre argument qui va nous décourager à utiliser ces semelles orthopédiques thermoformées sur mesure pour le skieur amateur.
Il est rare de rencontrer des pieds déformés symétriquement. Confectionner des semelles thermoformées sur des pieds asymétriques les empêche de compenser cette asymétrie puisqu’ils sont figés dans leur déformation. Cette asymétrie est très gênante dans un sport de glisse puisqu’elle favorise un trouble de parallélisme entre les 2 skis. Pour le régler, le skieur devra inconsciemment modifier sa posture en compensant sur les étages supérieurs aux pieds (genou, hanche,…).
Voici deux exemples de pieds asymétriques.
Dans ces deux exemples, la position de glisse dévie automatiquement le skieur à gauche.

En fixant les pieds dans leur position déformée statique, il leur sera impossible de s’adapter musculairement pour contrecarrer leur déformation. N’oublions pas que le pied est mouvement et qu’il peut s’adapter musculairement et articulairement. Si toutefois, il est en réelle déficience sur ces paramètres, il faudra lui proposer des activateurs plantaires puisque ce sont les seules semelles orthopédiques réellement dynamiques et stimulantes. Nous y reviendrons un peu plus loin dans cet article.

Exemple 1 :
Deux pieds déviés en sens opposés : l’un en pronation, l’autre en supination. Les deux forces poussent le corps à tourner à gauche dans un sport de glisse.



Exemple 2 :
Le pied gauche est normal et le pied droit est en pronation. En additionnant les forces des 2 pieds, le pied droit domine en poussant le corps à dévier à gauche lors d’un sport de glisse.
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Des professionnels de la semelle vous diront qu’ils corrigent le pied lors de la prise d’empreinte.  Un argument qui ne vaut rien puisque le pied fonctionne en torsion. Si on redresse l’arrière du pied pour soulever l’arche interne, l’avant du pied se soulève automatiquement dans la torsion opposée. Sans compenser cette déviation, on retrouve la même déformation de l’arrière-pied quand la semelle est à plat au sol (puisque la référence de contact au sol est à l’avant de la semelle).
Le pied fonctionne en torsion opposée entre l’avant et l’arrière-pied (si l’arrière-pied va en supination, l’avant-pied est entraîné en pronation ; et inversement).

En somme, on ne fait que créer une illusion de correction à la personne qui est sur ce coussin d’empreintes sous vide lorsqu’on lui redresse les pieds.
Sur cette photo, l’arrière-pied est redressé dans l’axe vertical et l’avant-pied est surélevé au niveau du gros orteil.


D’autres professionnels, conscients du désavantage de ce système ultra rapide à la confection de semelles orthopédiques sur mesure, réchaufferont à nouveau la semelle après sa prise de forme afin de modifier sa courbure à vue d’œil. Cette imprécision peut aussi être à l’origine de bon nombre de dégâts physiques.
Quand on a connaissance de ces inconvénients, on se dit qu’une paire de semelles standards passives sera plus efficace qu’une paire de semelles orthopédiques thermoformées sur mesure. Elle soutiendra les 2 pieds dans une position identique par rapport au sol et permettra un meilleur parallélisme.
Les semelles orthopédiques passives ont donc pas mal d’inconvénients dans le ski. C’est la raison pour laquelle de grands spécialistes du ski ne proposent plus que des activateurs plantaires.
 
 
 
 
 
 
Qu’apportent donc de plus des activateurs plantaires pour le ski ?

Les activateurs plantaires laissent les pieds se mouvoir tout en les guidant dans le bon mouvement. La qualité principale de cette semelle orthopédique active est de laisser le pied s’adapter à une irrégularité tout en reproduisant la fonction de ressort d’un pied parfait. L’activateur plantaire se déforme et revient dans sa position au bon moment. Il équilibre les pressions entre les 2 pieds et permet aux pieds de s’adapter aux variations de terrains, tout en équilibrant la posture.
Il existe différents niveaux d’activateurs plantaires sur mesure ou standard personnalisables.

Les activateurs plantaires sur mesure peuvent aussi être symétrisés pour les sports de glisse. Leur haute technologie de confection permet une précision au mm près. La confection 3D par thermo-injection du carbonésate (carbone amélioré) est calculée par rapport aux déformations des pieds, du poids et de l’activité afin de corriger les pieds dans leur normalité et de les symétriser, tout comme les fabricants de voitures le font avec des amortisseurs !
Les activateurs plantaires respectent les 5 fonctions du pied : amortissement, propulsion, adaptateur aux variations de terrains, équilibre postural et effet pompe de la circulation veineuse.
Pour résumer, le pied doit garder ses fonctions dynamiques pour performer en ski. L’immobiliser par des semelles passives (semelles orthopédiques classiques ou semelles thermoformées) est peu bénéfique. Ces semelles favorisent des compensations posturales et des contraintes articulaires et musculaires.
Un pied normal et fonctionnel (bonne musculature et bonne proprioception) n’a pas l’utilité d’être appareillé pour faire du ski, ni d’ailleurs pour une autre activité sportive.
Pour les pieds déformés, il est souhaitable de porter des activateurs plantaires. Ce sont les seules semelles orthopédiques qui permettent de respecter la physiologie dynamique du pied.